R.Wan, irrémédiablement banlieusard
Publié le 04 novembre 2025 Modifié le 05 novembre 2025
C’est un homme ému qui s’avance vers nous sur la rue Charles-Fourier. Les souvenirs d’enfance de R.Wan se bousculent sous sa casquette de gavroche :
“C’est drôle de faire cette interview au bar La Pétanque, en face de mon ancienne école. Je me rappelle de mon amoureuse réunionnaise Corine, en CM2, avec son pantalon en imprimé serpent, et de l’esplanade de l’école Montesquieu où se déroulaient les premiers concours de break dance. Vitry a toujours été en avance sur le hip-hop, le graf et la danse”.
R.Wan débarque à 3 ans dans notre ville, et fait ses premiers pas d’artiste dans le reggae, puis fonde un groupe de rap avec Dj Kail, mais “je n’allais pas me la jouer ghetto, je suis fils d’un journaliste célèbre [Pierre-Luc Séguillon], j’ai grandi dans un pavillon, difficile de faire le « bad boy »”. Une certaine idée de l’intégrité qui ne le quittera plus. Après plusieurs échecs ou succès méconnus, R.Wan croise Fixi, accordéon sous le bras, dans le métro.
Avec ce musicien de Lio, ils inventent le rap-musette sous le nom de Java : “les rappeurs américains ont puisé dans leurs racines soul et funk pour inventer le hip-hop, nous les avons imités, mais avec notre folklore français. Une démarche similaire au 113 avec Tontons du bled, l’hymne de Vitry et son sample de musique arabe”. Java, c’est donc dix ans de carrière, quatre albums et des centaines de concerts en France et dans le monde. Une référence. Fin de bal pour la Java en 2010 (scoop : jusqu’à aujourd’hui), avide de rencontres, le rappeur enchaîne les projets en solo ou en duo jusqu’à la chute du mur du son et l’avènement du Soviet Suprem !
Poète de proximité devenu titi parisien, musicien engagé sans la ramener, R.Wan fonde avec Toma Feterman, chanteur de La Caravane Passe, Soviet Suprem. Une blague qui dure maintenant depuis dix ans.
“En imaginant la victoire des pays de l’Est contre le capitalisme et en mélangeant musique des balkans et hip-hop, nous inventons, comme avec Java, un nouveau folklore. L’idée reste la même : proposer une alternative souriante à l’hégémonie culturelle américaine.”
En toile de fond, toujours cet esprit de satire français inspiré d’Hara Kiri ou de Groland. R.Wan devient donc Sylvester Staline, et Toma, John Lénine. Passé le second degré, Soviet Suprem porte un regard plein de tendresse et de respect sur les valeurs du monde ouvrier : “Toma et moi avons été élevés par des parents proches de valeurs humanistes et du communisme, où l’accès à la culture est essentiel”. Notre banlieue rouge a forgé l’une des plumes les plus originales de la chanson française. Écoutez donc la réécriture du Laisse béton de Renaud en Lâche l’affaire, ou Mona de Java, un hommage à Vitry-sur-Seine.
“Après toute ces années passées à Vitry, à Paris et en Occitanie aujourd’hui, je me sens malgré tout irrémédiablement banlieusard. Un mélange de combativité, d’âpreté et de franchise appris sur le bitume vitriot.”
Soviet Suprem a ouvert la saison du Kilowatt et fêtera ses 10 ans d’existence le 30 janvier au Trianon de Paris où il jouera son nouveau titre Komunistoirdamour. On ne se refait pas !
Portrait réalisé par Willy Richert