Marche pour la liberté

Publiée le 22 octobre 2020 - Mise à jour le 26 octobre 2020

À l’occasion de la marche silencieuse en hommage au professeur assassiné, Samuel Paty, organisée par la municipalité, trois cents personnes, dont le maire et ses adjoints, se sont rassemblées mercredi 21 octobre pour la liberté, contre l’obscurantisme.

Ce mercredi 21 octobre, rose blanche au poing et bougeoir à la main, trois cents habitant·e·s ont remonté silencieusement l’avenue de l’Abbé-Roger-Derry inondée par le soleil couchant. En tête de ce cortège rendant hommage à Samuel Paty, enseignant d'histoire-géographie assassiné à Conflans-Saint-Honorine le 16 octobre, marchaient le maire, Pierre Bell-Lloch, et les adjoints, solennels, ceints de leur écharpe bleu blanc rouge, suivis par de nombreux élus de tous bords politiques. Parmi la foule, des enseignants vitriots, particulièrement touchés par ce drame.

Les mots pour le dire

« Ce crime, ça nous sensibilise tous, ça peut arriver à tout le monde », commente  Youssra, 16 ans, qui, avec ses quatre copines lycéennes, rejoint le cortège en haut de l’avenue. « C’est une situation à laquelle il faut absolument réagir », s’exclame pour sa part Lazaro, qui a été professeur. « On ne trouve pas les mots pour expliquer aux enfants ce qui s’est passé et on a du mal à y croire », se désespère Myriam, mère de famille, venue avec sa fille qui lui tient la main. Une autre, Najoua, commente : « ce crime, cela n’a aucune relation avec l’Islam, on aime la liberté de parler, les professeurs qui ont un métier noble ».

Arrivés devant le parvis de l’hôtel de ville, les habitants ont déposé les roses banches au pied du portrait de Samuel Paty. Deux représentants de cultes ont été invités à s’exprimer. Devant la foule attentive, le père Julien, pour les paroisses catholiques, a rappelé : « nous sommes tous frères et nous marchons ensemble ». « Rien ne peut justifier la mort d’une femme ou d’un homme. Les responsables de ces actes barbares n’ont rien à voir avec la religion », exprimait pour sa part Mohamed Djebbouri, un des représentants de la mosquée Nour Es Salam.

« En tant qu’enseignant.e.s, cet assassinat nous interpelle tous, souhaitait témoigner pour sa part Cyrille Micheletta, représentant départemental SNUipp-FSU. Comment un enseignant bienveillant, dont le professionnalisme et l’engagement étaient reconnus de tous, apprécié par ses élèves, a pu perdre la vie pour avoir voulu exercer ses missions d’éducation à la citoyenneté, à l’esprit critique, à la confrontation des points de vue par le débat ? On dit souvent que l’école ne peut pas à elle seule résoudre tous les maux de la société. Cela est sans doute vrai. Mais comme tout un chacun, le fait que des enfants ayant grandi dans notre pays, étant passés par notre école aient sombré dans la folie meurtrière doit nous interroger collectivement. » 

Vitry te pleure

Le maire, Pierre Bell-Lloch, ému, s’est exprimé au micro. Voici quelques extraits de son discours  : « Ce soir Vitry s’est rassemblée pour te rendre hommage, Vitry te pleure et Vitry n’oubliera pas ton histoire, celle d’un homme qui avait fait don de sa vie aux élèves. Adieu Samuel, compte sur nous pour continuer ton combat pour l’éducation de la liberté ! Compte sur nous pour lutter encore et encore contre l’obscurantisme et pour la liberté !

Le chemin de paix nous continuerons à le tracer en combattant la frustration provoquée par le rejet des autres, la haine engendrée par la soumission aux puissants, le sentiment injustifié d’être seul alors qu’on vit au milieu de ses semblables.

Comment la fièvre de la croyance peut-elle conduire à de tels actes ? Quel message peut transmettre l’assassin lorsqu’il décide d’un acte aussi odieux ? Celui de la peur, de la terreur ? Pensait-il pouvoir imposer à tout un peuple de se taire ? À tout une profession de plier le genou ? Que notre rassemblement, que notre fraternité et notre unité démontre qu’il a échoué.

Comme disait quelqu’un, on ne peut être musulman lorsqu’on est terroriste. Il en est de même pour toute les religions, et c’est à nous de comprendre les causes d’un tel drame pour les combattre au quotidien comme le faisait Samuel Paty… »

 

Gwénaël le Morzellec

Cyrille Micheletta, enseignant vitriot et représentant départemental SNUipp-FSU
« Pour une école émancipatrice »

Comment réagissez-vous face à ce drame ?
Notre premier message s’adresse à notre ministre. Car malheureusement, l’amorce de cet événement dramatique – les démêlés avec certains parents, les rumeurs sur les réseaux sociaux, les menaces – ne sont pas si rares. Et l’institution ne nous permet pas, bien souvent, d’y faire face correctement. Parfois par manque de volonté – le fameux “pas de vagues” – parfois par manque de moyens. Il faut entendre la sonnette d’alarme tirée par les enseignant·e·s. Il y a une montée des tensions, des haines et des colères, du chacun pour soi, du chacun chez soi dans notre société minée par trente années de politiques antisociales et de crises économiques. Nous sommes en première ligne pour faire ce constat. Nous ne devons pas lâcher, ne pas céder à la peur, à l’obscurantisme, aux pressions, qu'elles viennent de l'intégrisme islamiste ou d'ailleurs.  Mais pour cela, il faut aussi nous laisser travailler dans un climat apaisé et que certains discours cessent d'attiser les tensions, comme le montre la récupération politique ignoble qui a suivi le meutre de notre collègue. C'était d'ailleurs sans doute le but recherché par l'assassin de Samuel Paty. Ce dont nous avons plus que jamais besoin, c’est d’une école gratuite, laïque, qui accueille tout le monde, quelles que soient sa religion, sa couleur de peau ou sa condition sociale. D’une école surtout émancipatrice, qui donne à chacun des outils intellectuels pour comprendre le monde qui l’entoure, le changer quand il le faut, prendre en main son propre destin. Pour cette école-là, il n’est peut-être pas trop tard si nous nous retrouvons ensemble, parents, enseignant·e·s, citoyen.ne.s.
Intégralité de la déclaration SNUipp-FSU

 

Soyez le premier à réagir à cet article

 
Laisser un commentaire
Validation *

À des fins de sécurité, veuillez selectionner les 3 derniers caractères de la série.

*Champs obligatoires

Partager sur :

FacebookTwitter

Envoyer :

Envoyer