Philippe Perron, alchimiste du goût

Publiée le 24 novembre 2020 - Mise à jour le 07 décembre 2020

Philippe Perron, fondateur de C’est toi le chef ! © Sylvain Lefeuvre

Le fondateur de C’est toi le chef ! a dû surmonter licenciement, chômage et une surdité lourde pour créer son activité. Grâce au soutien de sa famille et de ses voisins du Port-à-l’Anglais, il est devenu cuisinier “à basse température” et démonte beaucoup de clichés sur le handicap.

À 47 ans, Philippe est issu d’une famille populaire de Bagnolet, bon élève devenu ingénieur en instrumentation scientifique en 1996. “Je vendais tous les instruments que l’on trouve dans les labos, les pipettes de mesure jusqu’aux instruments d’analyse.” Philippe enchaîne les responsabilités, gagne bien sa vie, emménage à Vitry en 2006 où la famille s’agrandit. Le bonheur ou presque. Ce fan de musique, DJ depuis ses 14 ans, souffre pourtant d’une maladie héréditaire qui, du jour au lendemain, s’aggrave et le rend quasi sourd. Dans l’impossibilité d’échanger au téléphone, il est licencié de son poste de commercial pour inaptitudes en seulement six mois et se réveille en travailleur handicapé. Enfin, travailleur est un grand mot, lorsqu’on est handicapé.

“Puisque je ne pouvais plus faire kiffer mon entourage avec ma musique, je me suis dit que j’allais me tourner vers mon autre passion provenant de ma grand-mère, la cuisine.”

L’apprenti cuisinier se bat pour obtenir des formations, en décroche une chez Alain Ducasse en 2014. Un jour, l’un de ses formateurs lui fait découvrir la cuisson sous vide au bain-marie d’une échine de porc, un choc gustatif pour Philippe. “J’apprenais à cuire avec du matériel que j’avais vendu pendant dix ans. Le goût était extraordinaire et cette technique de cuisson préserve les saveurs, conserve les nutriments et vitamines, mais surtout cuit les aliments à la perfection.” Philippe décide de se spécialiser dans cette technique culinaire innovante et suit une seconde formation de cuisson sous vide “à juste température”, dans le cadre du CREA (Centre de recherches et d’études pour l’alimentation), dirigé par le célèbre chimiste Bruno Goussault.

Des platines au labo de cuisine

Philippe investit dans du matériel, range ses platines et sa table de mixage pour laisser place à un vrai labo de cuisine dans le sous-sol de son pavillon. “Mes voisins et amis de quartier ont été mes premiers testeurs. Le bouche à oreille a super bien fonctionné grâce à mon travers de porc, que mes clients appellent « les travers de Ouf ». Ce sont eux qui m’ont encouragé à me développer et à cuisiner des légumes puis des desserts.” La formule est trouvée ; un SMS est envoyé chaque semaine avec les menus proposés, les clients effectuent leur réservation et viennent chercher les plats sous-vide à la porte du pavillon. “Il n’y a plus qu’à les faire réchauffer puisqu’ils sont cuits à la perfection.

Grâce à cette méthode, les jeunes deviennent cordon bleu pour un dîner en amoureux et les papas se transforment en Bocuse le temps d’un repas familial. Les gens me renvoient plein de choses positives comme lorsque je les faisais danser en soirée.” L’histoire est belle, mais ce n’est pas un conte de fées.

“Si je n’avais pas été entouré de ma famille, soutenu par ma femme et mes amis, j’aurais pu tomber dans la dépression.”

Philippe évoque pudiquement les humiliations des petits chefs heureux de rabaisser un malentendant devant les collègues, le combat administratif pour obtenir une pension d’invalidité ou la galère des mauvaises livraisons de produits et l’impossibilité de rectifier en direct avec le fournisseur ou de négocier des prix par téléphone.

“Depuis le premier article dans le journal, j’ai reçu beaucoup de nouveaux clients et de nombreux encouragements. Il faut croire en soi malgré le handicap, se tromper parfois, être investi, mais avancer malgré tout. C’est la bienveillance des gens du quartier qui m’a poussé à me dépasser et à créer, grâce à ma cuisine, du lien social ici, à Vitry.”

 

Portrait réalisé par Willy Richert

Le menu de cette semaine :
Oeuf parfait, crème à la truffe (4,50€)
Aile de raie au beurre noisette et aux câpres (8€)
Petit salé aux lentilles du Puy (8€)
Tête de veau sauce gribiche (26€ le kilo)
Poire pochée au vin et aux épices (4€)
Recevez le menu hebdomadaire en envoyant un SMS au 06 25 49 08 10
C'est toi le chef
e-mail

> Repères

1996 : Commercial en instrumentation scientifique.

2006 : Emménage à Vitry, au Port-à-l’Anglais.

2012 : La surdité héréditaire l’empêche de poursuivre son activité, il est licencié.

2016 : Formation au CREA, cuisson sous vide à juste température.

2018 : Lancement de C’est toi le chef.

 

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