Simon Juillard-Marchay, un peu de Vitry aux Beaux-Arts

Publiée le 24 octobre 2022 - Mise à jour le 25 octobre 2022

© Julian Renard

Simon Juillard-Marchay arpente quotidiennement les quartiers chics de Paris. Direction ? Son atelier perché à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Trajectoire d’un jeune artiste, ami de Vitry, en construction.

Son atelier perché à l’École nationale supérieure des beaux-arts, c'est “Un autre monde décalé, comme suspendu”, sourit Simon Juillard-Marchay. À 23 ans, il a brillamment intégré la prestigieuse institution après une année de prépa menée à l’École professionnelle supérieure d’arts graphiques, l’EPSAA. Une réussite inattendue pour un élève dont les professeurs noircissaient les bulletins de trimestre en trimestre. En classe, Simon est jugé “trop rêveur”, il a la “tête sur la lune”, et des difficultés d’attention. Mais il a au moins pour lui sa créativité et sa mère en soutien indéfectible à ses côtés. “C’est elle qui, sans le savoir, m’a sauvé en me proposant de rejoindre un lycée d’arts appliqués”, raconte Simon.

Explorateur urbain

À cette époque, l’adolescent a le mal du pays, sa Savoie natale. Alors âgé de 13 ans, celui qui a grandi près d’Annecy, dans une bourgade “où il y avait plus de vaches que d’habitants”, vit mal son arrivée en banlieue parisienne. Sa mère parle d’un “déracinement”. Installé à Vitry, dans le quartier Gare/Jean-Jaurès, il se découvre une fascination pour le béton et les grands ensembles. En parallèle, avec des amis, il se lance dans la pratique de l’exploration urbaine, l’urbex. Après les cours, il parcourt Vitry à l’affût des histoires et des mémoires qu’abritent ses murs, ne cache pas son appétit pour les endroits interdits. Les alentours de la gare RER l’inspirent tout comme l’univers de l’ancienne centrale EDF et sa grande roue-pelle à charbon… “Des lieux mi-abandonnés, mi-peuplés et qui relèvent presque de la science-fiction”, estime Simon. Il se souvient de la destruction de la cité Gagarine à Ivry, ses morceaux de vies soufflées. D’année en année, il stocke des tonnes de clichés soigneusement compilés. Point de départ d’une grande introspection.

Un ancêtre Vitriot imaginaire

“Pourquoi cette obsession pour le béton ?” finit par l’interroger son chef d’atelier Julien Sirjacq. Plus à l’aise à l’écrit, Simon tente de se raconter sur quelques notes disséminées sur son téléphone et convoque son histoire. “Cette aventure en banlieue, ce sont d’abord des émotions”, dit Simon. Celles d’une absence, d’un manque ressenti : celui des grands-parents qu’il n’a jamais vraiment connus, incapable de saisir l’histoire de sa famille censée être transmise de génération en génération.
Encouragé par son chef d’atelier, il se lance dans un projet troublant et façonne Bruno Peissax, grand-père fictif idéal, né à Vitry. À la galerie Jean-Collet, il expose une installation immersive en métal de deux mètres de haut, où se greffent photos, sérigraphies et images représentant des bribes de la vie de cet ancêtre vitriot imaginaire. De quoi combler le manque et initier une œuvre que Simon n’entend pas interrompre de sitôt : “J’aimerais pousser l’histoire plus loin, marcher sur ses pas”, assure-t-il.

En attendant, il poursuit son apprentissage aux Beaux-Arts, là où règne selon lui “la liberté, l’absence de hiérarchie et de compétition”, autant de valeurs “à l’opposé du système scolaire”. Séduit par son univers, sa poésie, le directeur artistique de la galerie, Daniel Purroy, souhaite déjà le voir porter d’autres projets culturels à Vitry. Mais Simon garde la tête froide. Dans l’art, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est que, “en vrai, ça ne sert à rien de trop prévoir !”

Majda Abdellah

Repères
1999 : naissance à Annecy.
2013 : s’installe à Vitry, dans le quartier de Gare/Jean-Jaurès.
2018 : s’initie à l’exploration urbaine.
2019 : entre à l’EPSAA à Ivry.
2020 : intègre les Beaux-Arts de Paris.
2022 : fait sa première exposition à la galerie municipale Jean-Collet.

 

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