Monique Labbé, architecte pionnière
Publiée le 21 décembre 2023 - Mise à jour le 22 décembre 2023

L’architecte vitriote Monique Labbé, spécialisée dans le domaine de l’architecture industrielle et environnementale, a reçu le prix Femme architecte pionnière de l’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat le 23 novembre 2023.
“Tu es une pionnière, tu explores, tu inventes, toute ta carrière tu as fait ça.” C’est par ces mots qu’Adeline Rispal, membre du jury, a salué Monique Labbé en lui remettant le prix Femme architecte pionnière de l’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat (ARVHA), le 23 novembre. Spécialisée depuis les années quatre-vingt dans le domaine de l’architecture industrielle et environnementale, domaine négligé par les architectes, la Vitriote Monique Labbé ouvre seule, en 1977, son cabinet d'architecte sur la dalle Robespierre, alors que huit femmes seulement s’y étaient aventurées en France, puis installe ses ateliers à Ivry.
Convaincue de l’importance d’une architecture respectueuse de l’environnement et de l’humain, elle met en œuvre une autre conviction : le nécessaire partage de connaissance et d’expérience entre domaines différents par la concertation qu’elle exerce sans relâche. On lui doit à Vitry, notamment, la rénovation et l'agrandissement de l'école primaire Éva-Salmon au Port-à-l'Anglais (reconstruite depuis) et les nouveaux locaux du collège Monod. En recherche permanente, elle double son exercice d’agence d’une activité théorique sur l’urbanisme souterrain. Elle crée en 2005, au sein de l’Association française des travaux en souterrain, un comité Espace souterrain d’où émane le projet national de recherche Ville 10D - Ville d’Idées qui fait d’elle une figure internationale. Son œuvre se fonde sur les déplacements humains et l’aménagement conçu à partir du vécu, de l’expérience.
“Chacun a sa bulle qui représente l’espace dont il a besoin. L’important est de construire autour de cette bulle, de ne pas faire des choses rigides, étroites ou contraignantes, explique Monique Labbé, à propos de sa démarche. C’est un travail extraordinaire pour l’architecte d’essayer d’être celui qui crée la matrice du vivant. Le vivant, c’est la matière de l’architecture, ce n’est pas le béton ou la pierre, c’est vraiment l’humanité qui est en chacun de nous.”
Une préoccupation humaniste motive cette démarche : les espaces créés à l’écoute de ceux qui les utiliseront sont autant d’outils de leur réalisation et de leur émancipation. “Tu as été visionnaire toute ta vie, tu es une réelle architecte du XXIe siècle, qui s’est attachée aux fondamentaux des enjeux environnementaux et sociétaux de notre présent et de nos futurs”, a résumé Adeline Rispal.
“Être pionnier, ce n’est pas le vouloir, c’est simplement avoir un regard critique sur les choses existantes : pourquoi on fait ça et pourquoi on fait comme ça ?” tient à souligner Monique Labbé, en rappelant également que “L’on n’est pas pionnier tout seul, il y a les maîtres d’ouvrage, les bureaux d’études, les ouvriers et, surtout, mon équipe.”
Monique Labbé est la troisième femme à recevoir le prix Pionnière, après Renée Gailhoustet, pour qui il a été créé en 2014 afin de couronner, notamment, son œuvre novatrice au Centre-ville d’Ivry-sur-Seine, et Éliane Castelnau.
Collège Monod
À Vitry, on doit à Monique Labbé les nouveaux locaux du collège Monod, un projet construit en concertation avec l’équipe pédagogique et les élèves. Façonné par la morphologie du terrain à flanc de coteau, par le passage de l’eau en souterrain et une histoire commençant à l’âge de bronze, le bâtiment épouse en souplesse les courbes de niveau tout en respectant le tissu pavillonnaire du quartier où il est implanté. Il est très compact, économe en emprise au sol pour préserver des espaces extérieurs et, grâce à l’environnementaliste Isabelle Hurpy, favoriser l'écoulement et l'infiltration des eaux, de pluie en particulier, dans ce terrain très pentu. Ainsi, le plateau sportif de plein air se pose-t-il sur le bâtiment, et les parkings s'installent-ils en sous-sol, dans les vides laissés par les fouilles archéologiques. Pour préserver le voisinage, le gymnase est installé au cœur du collège et éclairé naturellement par un large patio où est planté un olivier tricentenaire. L’architecte a préservé les vestiges retrouvés devant le bâtiment, d’autres ont été recueillis par les enseignants et installés dans le hall.