Hend Zouari, la musique au cœur
Publiée le 27 mai 2025 - Mise à jour le 02 juin 2025

Rester simple, naturelle… et faire de grandes choses ! C’est un des moteurs de l’impressionnant parcours de Hend Zouari. Entre deux tournées internationales, cette musicienne et chanteuse vitriote nous accueille tout sourire dans le tiers-lieu géré par l’association De la rue à la scène, rue Pasteur, qu’elle a cofondée avec son compagnon Yves Pontonnier.
Quelques notes arabisantes nous transportent dans l’univers des contes des Mille et Une Nuits, et pourtant la mélodie est familière. « C’est la musique du film Le Parrain », lance amusée Hend Zouari, sur son qanoun, instrument oriental traditionnel. Le mélange est osé, mais on aurait pu ne pas le relever, tant le jeu est fluide et harmonieux. De cet instrument rare et exigeant, Hend est l’une des rares femmes à jouer à très haut niveau.
Hend Zouari est née dans les années 80 en Tunisie, dans la grande ville côtière de Sfax. Avant sa naissance, son père tombe sous la charme de cet instrument venu d’Orient, du côté de l’Égypte, de la Syrie. Le qanoun, composé de 63 à 84 cordes, est encore peu diffusé au Maghreb, qui lui préfère le oud, le violon ou le piano. Le papa met un peu d’argent de côté, en achète un, apprend à jouer. Sans le savoir, il change la destinée de sa fille.
La magie de la France
Car Hend, très tôt, montrera de l’habileté, si bien qu’on la surnommera « la princesse du qanoun », relève-t-elle. À 13 ans, elle est filmée par la télévision tunisienne. Après le bac, elle intègre l’institut supérieur de musique de Sfax, dont elle remporte le premier prix. Puis, en 2004, à la faveur d’une bourse, elle décolle pour Paris, direction l’université de la Sorbonne. Là, c’est le coup de foudre.
« Je me retrouve alors à jouer avec des musiciens iraniens, espagnols. Cette ouverture, cette interculturalité m’ont bouleversée. C’est la magie de la France ! » s’exclame-t-elle.
Elle sort du registre oriental traditionnel, se prête au jazz, à l’électro et, sur le conseil d’un producteur, se met en plus au chant, qu’elle unit au qanoun. Elle sort bientôt un premier album, part en tournée – France et Tunisie, mais aussi Suisse, Allemagne, Émirats arabes unis... Sa thèse en musicologie, obtenue en 2012 avec mention très bien, porte sur les ornementations musicales tunisiennes, « ces notes ajoutées qui embellissent la mélodie principale et amènent la profondeur et la spiritualité », dit-elle. Son deuxième album, aux influences pop-rock, avec des invités, est chanté en quatre langues.
“À travers l’art, on peut sauver quelqu’un”
Bientôt, et déjà maman d’une fille, elle rencontre Yves, qui travaille à Emmaüs. En 2017, ils emménagent à Vitry et ont un fils. Ensemble, l’aventure n’est pas que familiale. Car l’expérience d’Yves, qui fut sans domicile fixe, et a créé une pièce de théâtre pour faire jouer des personnes en précarité, leur donne envie d’agir. Ils créent l’association De la rue à la scène, qui vise à apporter, par l’art, du positif aux personnes en difficulté.
« Pendant le confinement, on s’est retrouvés à faire des maraudes, ainsi que des spectacles de qanoun dans la rue où j’apprenais aux personnes à jouer. C’était magique : à travers l’art, on peut guérir, sauver quelqu’un », confie-t-elle.
Vitry ? « Une belle ville. J’y ai rencontré des personnes ouvertes, pleines d’humanisme », pointe Hend. Elle s’y produit plusieurs fois, au Port-à-l’Anglais, au Centre culturel de Vitry (CCV) et, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, à l’hôtel de ville. En 2024, elle inaugure la Maison sociale culture et nature, 12, rue Pasteur. Dans un pavillon entouré de verdure, ce tiers-lieu, géré par son association, accueille des spectacles, des conférences, des ateliers… Elle enchaîne parallèlement les tournées, prépare un troisième album, passe sur des radios et chaines de télé (France 24, France culture…). Elle a joué avec André Manoukian, Ibrahim Maalouf, Souad Massi...
On la retrouve à l’affiche de spectacles comme la Symphonie pour la coexistence, ode à l’union entre les trois grandes religions monothéistes, et Asmahan, Asmahan, hommage à la diva orientale. A-t-elle dû souffrir pour atteindre ce niveau exceptionnel de maîtrise et de créativité musicales ?
« Jamais. Ce n’est que du plaisir. Quand je joue, je nourris mon âme et mon art. Je me sens libre, apaisée. »
Naï Asmar-Makni
REPÉRES
2004 : Née à Sfax en Tunisie, bac en poche, elle obtient une bourse et arrive à Paris pour poursuivre ses études musicales.
2008 : Sortie de son premier album, l’Envol.
2009 : Naissance de son premier enfant, sa fille Laura.
2017 : Elle emménage à Vitry et crée l’association De la rue à la scène avec son compagnon Yves Pontonnier.
2020 : Pendant le confinement lié au covid-19, elle joue du qanoun dans la rue et initie des personnes en précarité.
2025 : Elle prépare son troisième album et enchaîne les tournées.