Patinage artistique sur béton

Publiée le 28 mai 2020 - Mise à jour le 28 mai 2020

Oktawia Scibior et Samory Ba s'entrainent. © Sylvain Lefeuvre

Oktawia Scibior et Samory Ba sont patineurs professionnels. Avec le confinement, ces artistes et sportifs de haut niveau ont imaginé une nouvelle façon de s'entraîner.

Dans la torpeur du quartier désert, un couple glisse. Elle dessine des volutes, il tourne autour d'elle, leurs bras s'élancent. “Maman, regarde : une patinoire !” Le petit miracle se produit chaque soir, depuis le confinement, sur le parvis de l'école Montesquieu, au Port-à-l'Anglais. Oktawia Scibior et Samory Ba chaussent leurs patins. Pour dompter le béton de la ville, faute de glace, ils ont vissé des roulettes à la place des lames. À l'avant de la chaussure une boule de gomme, comme un nez de clown, leur permet toutes les figures... de la patinoire.

Et c'est un bonheur de les voir évoluer en couple. Comme un cadeau sur le parcours des passants, masqués, pressés, attestation en poche. Au fil des jours, c'est devenu un rendez-vous. “C'est beau”, lance une fidèle spectatrice à la sortie de l'épicerie. “Comme si vous racontiez une histoire.” “On se sent redevable, et du coup obligé de venir souvent”, s'amuse Oktawia. Samory : “Ici, c'est un studio à ciel ouvert. On fait presque de la médiation culturelle sans le savoir !”

Le jeune couple a déménagé à Vitry en février, juste avant le début du confinement. Avec le virus, du jour au lendemain, son emploi du temps a basculé : finis les cours de patinage donnés par Oktawia, leurs résidences de création à Nîmes et à Rennes. Et pour Samory, plus de tournée de spectacles en France et à Montréal. “Reportés à... j'en sais rien ! 2021 ?” Oktawia est au chômage partiel, Samory a reçu une petite aide du gouvernement canadien. Passé la stupeur des premières semaines, ils osent sortir une heure par jour, après 19h, avec leur autorisation. “Le parvis était lisse, vaste, et à moins d'un km de chez nous. Mais ça faisait vraiment bizarre de vérifier l'heure pour éviter les amendes.”

Depuis que les sorties sont assouplies, ils poursuivent au même endroit la création de leur prochain spectacle. Un patinage libre, plein d'imagination, “plus proche de la danse contemporaine que des figures imposées traditionnelles en justaucorps à paillettes !” explique Samory.

L'été dernier, alors que Paris était encore envahie de touristes, ils avaient ainsi testé au quotidien une performance de rue, à la sortie du métro Palais-Royal - Musée du Louvre, haut lieu du patin à roulettes. Oktawia en garde un souvenir très fort. “Tu sens ou non la connexion avec le public, il n'y a aucun filtre.” Samory ajoute : “Personne n'est venu pour te voir. Tu ne peux pas mentir. Les gens te regardent, le retour est direct. Ca pousse à l'humilité !”

L'expérience leur a donné envie de recommencer, souvent. À Vitry, ils aimeraient participer à une fête de quartier, une déambulation théâtrale, un spectacle pour les scolaires et mille autres projets que la vie “normale” permet. À peine ont-ils eu le temps d'aller glisser une fois sur la vraie glace de la patinoire de la ville, “très agréable et lumineuse”, avant que le virus s'en mêle. En attendant, ils offrent quelques minutes de poésie à nos drôles de vies (dé)confinées.

Lucie Darbois

 
  • BERRET le 29/05/2020 à 01:07

    Du haut niveau dans la rue! Bravo et merci à Oktavia et Samory pour leur performance artistique sur roulettes. Contraste saisissant avec l'univers oppressant du confinement, la circulation se fait fluide, libérée pour un moment d'évasion magique.Lire la suite

 
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