Maurice Audin et les disparus d'Algérie, le combat continue

Publiée le 25 octobre 2021 - Mise à jour le 25 octobre 2021

Dans le cadre du parcours citoyen, au collège Josette-et-Maurice-Audin, Myriam Fahli et Véronique Signoret, professeurs d’histoire, ont invité Pierre Audin, fils de Josette et Maurice Audin, sur le thème : Que veut dire résister ? 94 collégiens, 4 classes de 3e, étaient réunis pour assister à cette conférence.

Les professeurs d’histoire avaient demandé un récit chronologique à Pierre Audin, le programme de l’année des 3es commençant avec la Première Guerre mondiale pour s’achever avec la décolonisation.

La résistance, c'est la lutte

Pierre Audin a commencé son exposé : « la résistance, c’est la lutte » puis s’est interrompu, ému. « Devant moi, ce portrait de mes parents, c’est une expérience un peu compliquée. » Il a poursuivi, voix forte et claire, mentionnant le combat de sa mère pour élever ses 3 enfants. Née à Bab El Oued, elle a été confrontée au racisme. Le système érigé par la France dressait les origines les unes contre les autres. Le Français contre l’Espagnol, l’Italien du nord contre l’Italien du sud, les juifs contre les catholiques…

Pierre Audin, carte à l’appui, a montré la partition de l’Afrique, les pays occidentaux s’emparant du continent. La France colonise le Maghreb dans son ensemble. Son grand-père est gendarme, très respectueux de l’ordre établi, lorsqu'en 1939 les consignes sont d’enfermer les Espagnols dans des camps, il exécute. En 1942, Maurice Audin a dix ans, il entre dans une école militaire, la discipline « le béret de travers » ne lui convenait pas du tout. Mais ses parents ne peuvent le laisser aller dans une autre école sous peine d’avoir à rembourser les frais de scolarité. C’est un élève brillant 1er prix de langue française, de maths…

Maurice Audin et Josette se sont rencontrés à la fac. Elle était au Parti communiste algérien, avait adhéré en 1950 ;  « Maurice adhéra un an plus tard par conviction et sentimentalisme », souligne Pierre Audin. Le PCA était pour l’indépendance. Avec « les évènements d’Algérie », selon la formule française, il n’a jamais été question de guerre, les militants deviennent clandestins. Plus ça va plus les tensions montent, jusqu’en 1957 lorsque l’armée française reçoit tous les pouvoirs de police, justice. Elle peut décider de la vie ou de la mort des gens.  

Arrestation de Maurice Audin

Le 11 juin, l’attentat du casino de la corniche, fomenté par les ultras de l’Algérie française, entraîne quelques arrestations. Ils seront bientôt relâchés.
Mais le 12 juin, lorsqu’ils frappent à la porte des Audin, c’est pour arrêter Maurice Audin. Henri Alleg est également présent, il était venu à la place d’André Moine, figure du PCA. Un docteur, sous la torture, a révélé qu’il avait soigné un militant algérien du PCA chez lui. Henri Alleg est torturé, de même que Maurice Audin. Mais celui-ci est déclaré « évadé » le 21 juin.

Les militants ont compris, il a été assassiné.

À partir de là, le combat de Josette Audin commence. En 1962, avec les accords d’Évian, amnistie générale, il y a « oubli » proclamé pour tous les crimes. Il a fallu toute une vie, ou presque, pour que la France reconnaisse, le 13 septembre 2018, que Maurice Audin est mort torturé.

Dialogue avec les collégiens

Tout à coup, une petite voix s’élève : « Monsieur, vous saviez que votre père était mort ? »

« J'ai appris son décès à une dizaine d’années. »

Un collégien : « Monsieur,  est-ce qu’on a retrouvé le corps ? »

« J’ai demandé un passeport, je suis Algérien, pour aller chercher le corps, le 1er novembre 2014. La réponse du gouvernement était « vous aurez une réponse rapide », j’attends toujours. »

Un élève : « Est-ce qu’il y a eu des manifestations pour Maurice Audin ? »

« La première manifestation a eu lieu le 2 décembre 1957, 1 000 personnes étaient réunies lors de la soutenance de thèse en maths de mon père, par son directeur de thèse. C’est rare, la plupart ne comprenait rien, mais il était là pour Maurice Audin. »

Votre combat à vous, personnellement, quel est-il ? demande Véronique Signoret, professeur d’histoire.

« Pour donner un exemple, le 16 décembre 2020, à la remise des prix Audin de mathématiques, j’ai pris position pour un journaliste emprisonné, Khaled Drareni. C’est un peu la poursuite du combat de mes parents. »

À la fin, les collégiens ont chaleureusement applaudi Pierre Audin.

Christiane Grave

 

Soyez le premier à réagir à cet article

 
Laisser un commentaire
Validation *

À des fins de sécurité, veuillez selectionner les 4 premiers caractères de la série.

*Champs obligatoires

Partager sur :

FacebookTwitter

Envoyer :

Envoyer