Retraites : réponse aux arguments du gouvernement

Publiée le 02 mars 2023 - Mise à jour le 08 mars 2023

© Julian Renard

Au lendemain du mouvement du 7 mars, qui a réuni dans les rues 3,5 millions de personnes, selon les syndicats, la mobilisation contre le projet de loi de réforme des retraites ne faiblit pas. Aux arguments du gouvernement avancés pour justifier cette réforme, Valentin Soen, responsable à l’UL CGT Vitry, répond.

Report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, accélération de l’allongement de la durée de cotisations à 43 ans, suppression des régimes spéciaux... Une réforme juste et nécessaire, comme l’affirme le gouvernement ?

Valentin Soen, secrétaire général de l’UL CGT Vitry, répond aux arguments du gouvernement.

Le gouvernement : "L’espérance de vie s’allonge, il faut donc travailler plus"


Valentin Soen :  Si l'espérance de vie s'allonge, l'espérance de vie en bonne santé se réduit à 65,4 ans pour les femmes et 63,9 ans pour les hommes, soit 64 ans en moyenne. Et l'écart d'espérance de vie entre les plus pauvres et les plus riches est de 13 ans. À 64 ans, un tiers des plus pauvres sont déjà morts. Sans compter que les plus riches disposent d'un patrimoine leur permettant de s'affranchir de cette réforme et de partir plus tôt sans avoir besoin de compter sur la solidarité nationale, ce qui n'est pas le cas des plus pauvres.

Et le problème du nombre de cotisants évoqué par le gouvernement s'efface si les ressources nécessaires au financement des retraites sont prises dans les richesses toujours plus grandement produites par les salariés. Dans notre économie de services, extrêmement tertiarisée, les travailleurs français génèrent toujours plus de richesses : en 1960, le PIB par an et par habitant était de 1 500€ alors qu'aujourd'hui il est de plus de 43 000€. L'argent est là !
 

Le gouvernement : "La réforme évite de mettre en danger la pérennité du système par répartition"


Valentin Soen :  Enfumage et choix politique de régression sociale. Le gouvernement insiste sur l'aspect déficitaire de notre système de retraite en pointant un déficit de 12 à 18 milliards par an. C'est faux et ce chiffre est variable selon les années. Le système peut même être excédetaire, comme en 2022 où il a rapporté 3 milliards d'euros. Selon le COR (Comité d'orientation des retraites), aucun péril en la demeure, même sans rien toucher aujourd'hui. La réforme du gouvernement est bien un ajustement financier au détriment de nos protections sociales et non une nécessité de sauver le système de retraite.
 

Le gouvernement : "Il n’existe pas d’autre solution"


Valentin Soen :  Il existe d'autres solutions. Nous en proposons plusieurs, tout en revendiquant un départ à 60 ans, une pension minimum au niveau du Smic à 2 000€ et la prise en compte des années d’études.

Elles consistent à :

  • en finir avec les exonérations de cotisation patronale,
  • augmenter le taux de cotisation patronale, 
  • atteindre l'égalité salariale stricte entre les femmes et les hommes, ce qui apporterait plus 6 milliards pour le système de retraite, par exemple.

Si la France veut remplir ses caisses, le gouvernement doit forcer le patronat à mettre la main à la poche pour augmenter les salaires. Augmenter les salaires, c'est augmenter les cotisations sociales et c'est donc renforcer le financement de notre système social. Dans le même ordre d'idée, il faudrait également créer des emplois.
 

Le gouvernement : "La réforme protège ceux qui ont une carrière longue"


Valentin Soen :  Le dispositif "carrière longue" qui permet de partir plus tôt existe déjà. La réforme ferait tout de même travailler plus longtemps les travailleurs ayant commencé tôt puisque l'âge de départ reculerait de deux ans. Si on repousse la ligne d'arrivée, la fin de la course ne peut en aucun cas se faire plus tôt.
 

Le gouvernement : "La réforme garantit une pension décente"


Valentin Soen :  L'Etat a désindexé les pensions de retraites sur l'inflation depuis 2018. Plus 100€ n'est même pas un rattrapage de ce qui pourrait manquer aux retraités tant les coûts de l'énergie, de l'alimentaire, des matières premières ont explosé. La pension à 1 200€ bruts est elle aussi une chimère puisque les paramètres sont tellement compliqués pour l'obtenir qu'elle ne permettrait qu'à quelque 10 000 personnes d'avoir réellement 1 200€… bruts. 

Le gouvernement : "Les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme"


Valentin Soen :  La retraite des femmes est en moyenne 40 % inférieure à celles des hommes. Le projet de réforme actuel, valorisant mal les congés maternité, quand les femmes font des enfants, elles partiront toujours plus tard. Le gouvernement essaye de rattraper le coup en majorant les trimestres de congés maternité, mais le mal est fait : toujours rien pour gommer les inégalités entre les femmes et les hommes et encore une attaque aux carrières hachées.

Le gouvernement : "Les régimes spéciaux sont des privilèges injustes"


Valentin Soen :  Si nous les appelions régimes adaptés, la vision sur ces dispositifs serait certainement plus positive. Raffineurs, dockers, égoutiers, cheminots, chauffeurs, soignants... Ces métiers sont pénibles, ils cassent les corps et nécessitent donc des régimes adaptés. En 2017, par ordonnance, Macron a supprimé les critères de pénibilité. Ainsi, le principe de s'en prendre aux quelques régimes restants dits "spéciaux" en disant vouloir clarifier le système est simplement encore un gros mensonge pour ne pas dire qu'il souhaite que ces travailleurs travaillent plus tout en faisant des économies sur leur dos.

Les régimes spéciaux sont donc justes et adaptés. Ambroise Croizat, fondateur de la Sécu, disait : "Donner selon ses moyens, recevoir selon ses besoins".

Propos recueillis par Gwénaël le Morzellec

 

Soyez le premier à réagir à cet article

 
Laisser un commentaire
Validation *

À des fins de sécurité, veuillez selectionner les 2 premiers caractères et les 2 derniers caractères de la série.

*Champs obligatoires

Partager sur :

FacebookTwitter

Envoyer :

Envoyer