Esplanade de la Mulâtresse-Solitude : la mémoire dans l’espace public
Publiée le 10 mai 2023 - Mise à jour le 12 mai 2023

Mercredi 10 mai, la municipalité a inauguré l'esplanade de la Mulâtresse-Solitude. Une date spécialement pensée pour commémorer la Journée nationale des mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions. À Vitry, la mémoire contre l'esclavage et les luttes contre toute ségrégation s'inscrit aussi dans l’espace public.
Hommage à celles et ceux qui ont lutté contre l’esclavage et la ségrégation raciale. C’est acté, l’esplanade devant la bibliothèque Nelson-Mandela portera le nom de la Mulâtresse Solitude. Cette icône guadeloupéenne, qui incarne la résistance contre l’esclavage, côtoiera dans les rues de Vitry Nelson-Mandela, Rosa-Parks, Aimé-Césaire, Marcel-Rosette, Olympe-de-Gouges... Petite balade urbaine à leur rencontre.
Au nord-est de la ville, dans le quartier du Port-à-l’Anglais, le long de la Seine, se loge la rue Rosa-Parks (1913-2005), une figure dans l’histoire des droits civiques des Noirs américains aux États-Unis. Lors du conseil municipal du 22 juin 2011, les élus créent cette nouvelle voie en l’honneur de cette femme noire américaine qui, le 1er décembre 1955, dans une Amérique où perdure la ségrégation, refusa de céder sa place à un blanc dans un bus de Montgomery (Alabama). Son arrestation allait déclencher un vaste mouvement de solidarité et le boycott de la compagnie de bus. Un jeune pasteur, encore peu connu, fut désigné pour faire campagne, Martin Luther King. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême déclarait illégales les lois ségrégationnistes de Montgomery. Le combat de Rosa Parks contre les discriminations déboucha en 1964 sur le Civil Rights Act, qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics.
Oser s’émanciper
Dans le même quartier, plus au sud, on retrouve la rue Aimé-Césaire (1913-2008). Poète et homme politique martiniquais, il fut de tous les combats contre le colonia- lisme et le racisme. En 2008, l’année du 160e anniversaire de l’abolition de l’esclavage par la France (1848), Aimé Césaire décède, le 17 avril. Aussi, lors du conseil municipal en date du 25 juin 2008, les élus vitriots lui rendent hommage et actent de laisser son empreinte dans l’espace public en créant cette nouvelle rue en son nom.
Pour le poète, chantre de la “négritude”, il fallait que les Antillais “prennent conscience de la partie de leur histoire et de leur culture liée à l’Afrique ; en fassent un objet de fierté, non d’ignorance ou de rejet”. Il s’opposait ainsi à une politique d’assimilation à la seule culture française. Pour combattre cette entreprise d’assimi- lation, il encourageait les autres étudiants noirs à oser s’émanciper, à inventer, à créer. Dans le quartier Vitry-sud/Ardoines, autour du square Honoré-de-Balzac, une crèche multi-accueil porte le nom d’Olympe de Gouges, pionnière de l’égalité des droits, alliée infatigable des humbles, des laissés-pour-compte, des esclaves. Elle y gagnera le courroux des colons, du clergé et des révolutionnaires qui l’ont envoyé à l’échafaud !
Féminisation de l’espace public
Dans le même quartier, la bibliothèque municipale, inaugurée dans ses locaux actuels le 10 novembre 1990, a été baptisée du nom de Nelson Mandela, l’ancien président sud-africain et prix Nobel de la paix en 1993. Il fut l’un des plus grands combattants de la liberté, contre l’apartheid en Afrique du Sud. L’inauguration a lieu l’année de sa libération, le 1er février 1990, après vingt-sept ans de captivité. Pour dénommer l’esplanade devant cette bibliothèque, la municipalité a proposé aux Vitriotes et aux Vitriots, du 9 décembre au 31 janvier derniers, de choisir parmi trois femmes, icones de la lutte contre l’esclavage, dans une démarche de féminisation de l’espace public : Harriet Tubman, militante abolitionniste afro-américaine, Carlota, esclave cubaine rebelle et la Mulâtresse Solitude (1780-1802), esclave guadeloupéenne résistante à l’empire colonial.
Leur choix, acté par le conseil municipal le 29 mars, s’est porté sur la Mulâtresse Solitude, incarnation des femmes et des mères des Caraïbes qui, dans le contexte du système esclavagiste, se sont battues en faveur de la défense des idées de liberté et d’égalité. Autant de combats et de destins qui éclairent le présent et permettent de faire histoire commune, dans cette ville-monde qu’est Vitry, où se côtoient tant de cultures et d’héritages différents.
Karima Nasli-Bakir