Hommage aux époux Manouchian

Publiée le 12 février 2024 - Mise à jour le 22 février 2024

80 ans après l’exécution des résistants membres du groupe dit de l’Affiche rouge, plusieurs initiatives auront lieu, à Vitry, d’ici l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian.

Le 21 février, Missak Manouchian accompagnée de Mélinée Manouchian, rejoindra le Panthéon, quatre-vingts ans après l’exécution de son groupe de résistants dit de l’Affiche rouge.

Leurs dépouilles reposeront bientôt sous le grand dôme dans le caveau numéro XIII aux côtés de l’écrivain Maurice Genevoix et de la résistante Joséphine Baker. Sur le fronton du Panthéon, cette inscription : “Aux grands hommes, la patrie reconnaissante”. Un siècle plus tôt, en 1924, Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien, débarquait en France. Menuisier puis tourneur aux usines Citroën à Paris, il adhère rapidement au Parti communiste où il rencontre sa future femme, Mélinée, elle aussi arménienne et rescapée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, militant et apatride dans la France de Vichy, Missak est arrêté à plusieurs reprises.

En février 1943, il intègre l’organisation clan- destine des Francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Chef militaire, Manouchian dirige une cinquantaine d’hommes. Mais après une longue filature, en novembre 1943, il est arrêté par la police française avec son groupe. Les autorités allemandes placardent alors dans la capitale une affiche rouge, xénophobe et antisémite, avec leurs photos, leurs noms.

Le 21 février 1944, Missak et une vingtaine de camarades sont fusillés par les nazis au Mont-Valérien, leurs corps inhumés dans le cimetière d’Ivry-sur-Seine. Quelques heures avant de mourir, Manouchian rédige une lettre poignante à sa femme, résistante elle aussi : “Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée, [...]. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement”.

Amoureux de la France et poète

En 1955, Louis Aragon s’empare de cette lettre dans un poème qui sera plus tard mis en musique par Léo Ferré sous le nom de l’Affiche rouge. “Une postérité artistique qui aurait plu à Missak !” commente Bruno Liechti, de la Société des amis de Louis Aragon, à l’initiative, avec le Centre culturel de Vitry, d’une soirée d’hommage aux Manouchian, mardi 20 février.

“Missak était amoureux de la France. Il avait découvert notre littérature, Hugo, Apollinaire, Verlaine, grâce à un prof de français pas- sionné quand il était à l’orphelinat”, souligne Bruno Liechti.

Auditeur libre à la Sorbonne, Manouchian a écrit de nombreux poèmes, dont certains seront lus lors de cette soirée. La Société d’histoire de Vitry est également invitée pour parler des Vitriots du groupe Manouchian. Jean-Claude Rosenwald, son président, a ainsi retrouvé dans les archives la trace de Roger Rouxel, l’un des plus jeunes. Arrêté sous les yeux de sa famille et de sa fiancée, Mathilde, il a été fusillé à 18 ans.

La soirée du 20 février se poursuivra avec la projection du film de Michel Violet Arsène Tchakarian, mémoire de l'affiche rouge. Arsène Tchakarian est autre membre du groupe qui a échappé par miracle à la condamnation à mort et a vécu jusqu’à ses 102 ans à Vitry. Le réalisateur sera présent pour un débat.

Mercredi 21 février, jour de l’entrée au Panthéon du couple de résistants, le maire, Pierre Bell-Lloch, déposera des fleurs sur la stèle des Cheminots fusillés de l’avenue Manouchian. La cérémonie d’hommage sera suivie d'une collation. Une exposition du Musée National de la Résistance est installée sur le parvis de l'hôtel de ville.


QUESTION/RÉPONSE à :
Laurence Jeanne conseillère municipale déléguée aux Anciens combattants et au devoir de mémoire

Quel regard portez-vous sur le parcours des Manouchian ?
Missak Manouchian est le premier résistant communiste à entrer au Panthéon. Et puis, il était ouvrier. C’est aussi cette main d’œuvre, une classe sociale souvent méprisée, que l’on honore. Le groupe Manouchian et les francs-tireurs ont joué un rôle prépondérant dans la résistance. Leurs actions à Paris ont été déterminantes. À la libération on s’est tu là-dessus. On a laissé croire que toute la France avait résisté. La réalité est autre. Enfin, Mélinée et Missak étaient des immigrés. Ils sont aujourd’hui des symboles. Je pense, à cette occasion, à beaucoup d’autres étrangers qui ont traversé des drames dans leur pays. Le génocide en Arménie, celui des Juifs, la déportation, l’exode… Tous ont cru trouver chez nous une nation où l’on était bienvenu. Ils ont donné leur vie pour notre pays, et la France a encore du mal à reconnaître l’apport essentiel de ces femmes et hommes venus d’ailleurs. Faire entrer les Manouchian au Panthéon tout en adoptant des dispositions législatives hostiles à l'immigration revient à faire affront à l'histoire.

Lucie Darbois

 

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