"77 ans : la Nakba continue" : une conférence à hauteur d’Histoire
Publiée le 20 mai 2025 - Mise à jour le 20 mai 2025

Jeudi 15 mai, Vitry a accueilli la conférence "77 ans : la Nakba continue" avec le but de replacer les événements du 7 octobre 2023 et la guerre actuelle dans le long cortège de tragédies que subit depuis des décennies le peuple palestinien, mais aussi et surtout d’élever la voix sur les silences complices.
La salle du conseil municipal est comble, Pierre Bell Lloch, le maire, ouvre la soirée :
« Nous souffrons de l’injustice. Nous avons le cœur alourdi de tous ces morts. Nous sommes plombés par la famine organisée. Il n’y a pas de courage à défendre la cause palestinienne, c’est un devoir pour tout être humain. Que cette conférence soit le début de la révolte et la fin du silence. Construisons les ponts de la paix. »
La conférence a ainsi débuté par des interventions politiques engagées sur la tragédie en cours. Hala Abou Hassira, ambassadrice de Palestine en France a pris la parole avec émotion pour rappeler les souffrances et l’injustice faites à son peuple mais surtout pour que brûle encore la flamme de l’espoir :
« Je parle avec un cœur très lourd. Ce sont nos maisons, dans lesquelles se trouvent nos souvenirs qui sont détruites. Ce sont nos mères, nos frères, nos voisins, nos médecins, nos artistes qui sont tués. Des milliers de familles sont rayées des registres. Un génocide se passe devant nos yeux. Ce n’est plus le temps des constats mais de l’action. J’en appelle à l’humanité en ce monde. C’est un message d’espoir que nous portons pour la liberté, l’égalité et l’humanité. Mon peuple veut juste vivre en paix et en dignité. »
Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne, a rappelé les arrêts de la Cour pénale internationale qui a statué sur la question du génocide. Avec une délégation d’élus, il s’était rendu à la frontière de la bande de gaza : « Nous avons vu l’horreur. Nous avons vu ces files de camions sur des kilomètres. C’est la première fois que des gens vont mourir parce que d’autres refusent de laisser entrer l’aide humanitaire. Le silence est complice. Battons-nous pour que les enfants de Palestine puissent rêver d’un avenir. »
L’éclairage d’une histoire qui se répète
« Tout n’a pas débuté le 7 octobre », ont souligné tous les intervenants. Avant et pendant la guerre israélo-arabe de 1948, Près de 800 000 Arabes palestiniens qui vivaient dans les territoires devenus sous contrôle israélien sont forcés à l’exode sans droit au retour. L'événement reste présent dans la mémoire collective palestinienne en tant que Nakba, "la catastrophe". En explorant cette histoire, la conférence tenue par deux historiens a cherché à relire les événements récents à la lumière de l’Histoire.
Pour Dominique Vidal, historien, essayiste et journaliste indépendant spécialiste du Proche-Orient,
« l’ensemble des lois et des décisions politiques prises depuis des décennies, l’occupation qui perdure, la violation des résolutions de l’ONU qu’Israël avait signées, tout cela est à l’origine des crises et de l’absence de paix. La guerre menée aujourd’hui a pour but de préparer une nouvelle Nakba et la rend possible par la destruction de gaza devenue invivable. »
Le résumé historique sous forme de plaidoyer pour l’humanité a été suivi de l’exposé sur la stratégie politique et guerrière menée par Israël aujourd’hui. « Israël assume par la voix de certains de ces ministres qu’il fallait finir le travail de 1948. Un ministre de la défense, a parlé des palestiniens comme, je cite : "des animaux humains". À partir de ces propos ne peut-on pas parler de génocide ?, s’est demandé Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de Recherches et d'études Méditerranée Moyen-Orient et chargée de cours à Science-Po Paris. Toutes les infrastructures sont détruites, jusqu’aux cimetières, pour effacer la mémoire des Palestiniens. Au-delà de cette volonté de les faire partir, il y a la volonté d’effacer leur histoire de ces terres. »
Continuer de défendre le Droit et la paix
Anne Tuaillon, présidente de l'association France Palestine Solidarité (AFPS) puis Chralotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory et présidente de l'association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises, ont toutes deux insisté sur le nécessaire devoir de solidarité des peuples lorsque les dirigeants et la diplomatie des nations échouent à faire naitre la paix. « Le monde entier paiera très cher le fait d’avoir anéanti le Droit international », alerte l’élue.
Alain Rouy, secrétaire national du Mouvement de la paix et vice-président du bureau international de la paix, a conclu la conférence en invitant les auditeurs à l’action :
« Faîtes connaitre ce que vous avez appris ce soir, élevez la voix contre l’invisibilisation du peuple palestinien, exigez l’accès à d’autres discours médiatiques, rappelez ce qu’est le Droit, pour nourrir l’espoir et la solidarité. »
En reflet effrayant de la politique d’exclusion menée par le gouvernement israélien, une auditrice a alerté la salle sur « les figures politiques dangereuses qui émergent partout dans le monde et les parties d’extrême-droite qui fleurissent comme des fleurs aux printemps. »
Kevin Gouttegata